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24 novembre 2007

Laclos, "les liaisons dangereuses", lettre 48

Le vicomte de Valmont se met en tête de séduire une dévote, la présidente de Tourvel. Il s'agit pour lui d'un simple jeu libertin, et cette lettre est la preuve de son audace. Il lui écrit au sortir des bras d'une autre femme ,dont il se sert de table, et lui décrit tout ses ébats, de manière à ce que la présidente croit qu'il lui parle en fait de ses sentiments.

LE VICOMTE DE VALMONT A LA PRÉSIDENTE DE TOURVEL

C'est après une nuit orageuse, et pendant laquelle je n'ai pas fermé l'oeil ; c'est après avoir été sans cesse ou dans l'agitation d'une ardeur dévorante, ou dans l'entier anéantissement de toutes les facultés de mon âme, que je viens chercher auprès de vous, madame, un calme dont j'ai besoin, et dont pourtant je n'espère pas jouir encore. En effet la situation où je suis en vous écrivant me fait connaître, plus que jamais, la puissance irrésistible de l'amour ; j'ai peine à conserver assez d'empire sur moi pour mettre quelque ordre dans mes idées ; et déjà je prévois que je ne finirai pas cette Lettre, sans être obligé de m'interrompre. Quoi ! Ne puis-je donc espérer que vous partagerez quelque jour le trouble que j'éprouve en ce moment ? J'ose croire cependant que, si vous le connaissiez bien, vous n'y seriez pas entièrement insensible. Croyez-moi, madame, la froide tranquilité, le sommeil de l'âme, image de la mort, ne mènent point au bonheur ; les passions actives peuvent seules y conduire ; et malgré les tourments que vous me faites éprouver, je crois pouvoir assurer sans crainte, que, dans ce moment, je suis plus heureux que vous. En vain m'accablez-vous de vos rigueurs désolantes, elles ne m'empêchent point de m'abandonner entièrement à l'amour et d'oublier, dans le délire qu'il me cause, le désespoir auquel vous me livrez. C'est ainsi que je veux me venger de l'exil auquel vous me condamnez. Jamais je n'eus tant de plaisir en vous écrivant ; jamais je ne ressentis, dans cette occupation, une émotion si douce et cependant si vive. Tout semble augmenter mes transports : l'air que je respire est brûlant de volupté ; la table même sue laquelle je vous écris, consacrée pour la première fois à cet usage, devient pour moi l'autel sacré de l'amour ; combien elle va s'embellir à mes yeux ! j'aurais tracé sur elle le serment de vous aimer toujours ! Pardonnez, je vous en supplie, au au désordre de mes sens. Je devrais peut-être m'abandonner moins à des transports que vous ne partagez pas : il faut vous quitter un moment pour dissiper une ivresse qui s'augmente à chaque instant, et qui devient plus forte que moi.

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